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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 16:05

Sarkozy-Barroso-MerkelDans la nuit du lundi 30 au mardi 31 janvier 2012, 25 des 27 gouvernements représentant les États membres de l'Union Européenne ont mis la touche finale et signé le projet de Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire, exigé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.

Ce projet est pernicieux pour de nombreuses raisons ; il entérine un retour en arrière celui du retour vers un mode de décision intergouvernemental au sein de l'union européenne – à rebours même du projet de TCE ou Traité de Libsonne –, il entérine un renforcement de la technocratie sous l'appellation de gouvernance avec un système de sanction automatique des choix budgétaires de États membres (ce qui est contradictoire même avec l'idée de démocratie politique), il généralise enfin à un niveau inconnu jusqu'ici des logiques ultra-libérales d'austérité au travers de la « règle d'or », définissant comme norme intangible ce qui relève du débat et du choix des citoyens au sein d'une communauté.

Au moment où toutes les institutions économiques, de l'Organisation Internationale du Travail jusqu'aux Agences de notation qui viennent de dégrader la note financière de plusieurs États européens, commencent à s'inquiéter de l’aggravation de la récession qui serait contenu dans une généralisation de l'austérité, c'est justement ce que souhaitent imposer Nicolas Sarkozy et Angela Merkel comme norme indépassable pour la construction européenne.

UnionEuropeenne-copie-3.JPGUn recul en droit international et des risques politiques inconsidérés

Ce projet de traité est ainsi un recul de la construction européenne à plusieurs titres – qui risque par ailleurs d'aboutir à la fin de la construction européenne. Le traité ne parle pas des membres de l'Union, des pays de la zone euro ou autre, mais de parties contractantes (contracting parties). Nous sommes dans le registre du droit privé et commercial pas du traité international, ce qui en dit long sur l'évolution de l'Europe. Ainsi donc, 25 “parties contractantes” vont s'engager à ratifier ce « pacte budgétaire » dans les mois à venir. L'Europe connaît donc désormais trois degrés d'intégration : une zone euro à 17 ; une région d'application du « pacte budgétaire », à 25 ; et enfin, un marché unique à 27. Au mieux, ce fiscal compactn'entrera en vigueur qu'au 1erjanvier 2013, mais à condition qu'au moins 12 États membres de la zone euro le ratifient d'ici là. Même si le traité est désavoué par 5 États de la zone euro, il verra quand même le jour. Tout a été fait pour éviter les psychodrames civiques précédents (non français, néerlandais ou irlandais, votes cafouilleux du parlement slovaque sur le fonds européen de stabilité). Mais, le cas irlandais s'annonce explosif. Un référendum devrait être organisé dans l'année : le gouvernement a prévenu, si les électeurs devaient rejeter le traité, « il serait alors presque impossible (pour la République) de rester dans la zone euro ».

En France, en l'état actuel des forces, aucune majorité n'existe pour faire adopter une « règle d'or » qui serait inscrite en bonne et due forme dans la constitution. « Je rappelle que certains Etats n'ont même pas de majorité constitutionnelle pour ratifier un tel traité », a glissé lundi Martin Schulz, le président du Parlement européen, en ouverture du Conseil, dans une allusion sans détour à la délicate équation française.

Voter le budget ne sera plus l'acte principal de la démocratie

La « règle d’or » veut imposer une stricte discipline financière aux pays de la zone euro, plus contraignante que celle prévue dans le traité de Maastricht. La règle d'or contraint à « un budget général à l’équilibre ou excédentaire ». Au maximum il sera permis que « le déficit budgétaire atteigne 0,5 % du PIB » à moyen terme, sauf cas de force majeure (un événement « hors du contrôle de la partie signataire et qui a un impact sur les finances du pays » ou en cas de « contraction majeure de l’économie telle que l’a définie le pacte de stabilité et de croissance »). Enfin, dans le cas où l’endettement du pays est significativement en dessous de 60 % du PIB et que les circonstances économiques et financières sont très favorables, le pays signataire peut exceptionnellement utiliser l’arme du déficit budgétaire. Mais celui-ci ne doit pas excéder la barre de 1 % du PIB (article 3.1 a, b, c, d).

Pour mémoire, le traité de Maastricht autorisait un déficit de 3 %. Le projet de traité reprend les règles inscrites dans la Loi fondamentale allemande en 2009. C’est oublier ce qu’est un État. Il a le temps pour lui. Il a des missions de défense, de sécurité ou d’investissements sur le long terme qu’il est le seul à pouvoir assumer.

Avec ce traité, les pays européens enterrent toute politique keynésienne ou contra-cyclique. Il ne peut plus y avoir (sauf en cas de crise extérieure) de politique ambitieuse de grands programmes, ou simplement de soutien à l’activité. Au contraire, les critères choisis renforcent la pro-cyclicité des politiques économiques : les gouvernements seront tenus de couper dans les dépenses et de ralentir leurs efforts à chaque retournement de l’activité économique pour respecter l’impératif d’équilibre budgétaire, au risque d'aggraver encore les récessions, livrant ainsi un peu plus les pays à la volatilité des marchés. Et ce sont les mêmes gouvernements qui, après avoir négocié les termes de cet accord, ne cesseront de se plaindre de l’inconséquence et du « court termisme » des marchés.

Notons que l'Irlande et l'Espagne sont passés du jour au lendemain d'une situation respectant les nouvelles règles à une situation gravement détériorée : si le projet de traité avait été en application l'union n'aurait pas été autorisé à les secourir.

La gouvernance contre la démocratie

Sarkozy et Merkel veulent empêcher à l'avenir que l'on autorise la même « légèreté » qui fut offerte à leurs pays en 2004 (les deux États n'avaient pas été sanctionnés comme prévu par le Traité de Maastricht). Pour éviter toute « faiblesse » à l’avenir, les sanctions deviendront automatiques.

« Les parties signataires qui font l’objet d’une procédure pour déficits excessifs devront instaurer un programme d’assainissement budgétaire et financier, comprenant le détail des réformes structurelles à mettre en place en vue de corriger ces déficits excessifs. » « Ces programmes seront soumis à la Commission européenne et au Conseil européen et leurs suivis seront réalisés dans le cadre de la procédure de surveillance inscrite dans le pacte de stabilité et de croissance. » « Leur réalisation et les budgets annuels seront surveillés par la commission et le conseil européen » (article 5).

Enfin, « quelque parti contractant considérant qu’un autre parti contractant ne satisfait pas à l’article 2(sur les mécanismes automatiques de correction des déficits)peut saisir la cour européenne de justice ou demander à la commission européenne de dresser un rapport sur le sujet » (article 7).

L’Europe, censée avoir été érigée pour défendre la démocratie abandonne toute référence au droit, à la politique, au débat. Les abandons massifs de souveraineté qui sont demandés à l’ensemble des pays européens ne sont pas récupérés à un stade supérieur, sous forme par exemple d'une plus grande solidarité entre États membres. Les sanctions sont automatiques. Des pays peuvent porter plainte contre d’autres.

La cour de Justice peut s’ériger comme référence suprême, dire ce que doit être un budget national. Mais jamais le Parlement européen. Des sanctions pécuniaires peuvent être imposées aux pays « déviants ». Mais à aucun moment, il n’est question de solidarité, d’entraide, de transfert budgétaire pour venir aux pays en difficulté. Ce qui est pourtant une des grandes questions pour l'avenir de la zone euro.

L'intergouvernementalité supplante les trois piliers institutionnels

Nicolas Sarkozy veut faire croire qu'il a emporté une concession d'Angela Merkel : le gouvernement économique européen. Avant la crise grecque, Berlin ne voulait pas en entendre parler. Principale innovation : un sommet de l'Euro qui va réunir les chefs d’État de la zone euro.

Ces sommets seront réservés aux membres de la zone euro, sauf s'ils viennent à débattre de certains sujets décisifs, comme la réforme des traités, ou l'architecture de la zone euro en tant que telle. Pas franchement décisif pour la sortie de crise

Les signataires s'engagent à « communautariser », d'ici à 5 ans, ce texte « inter-gouvernemental ». C'est-à-dire d'intégrer au droit communautaire, garanti par la Commission européenne, ces quelques pages rédigées à la va-vite, en quelques semaines, entre la mi-décembre et la mi-janvier.

Cet article a été malheureusement accueilli favorablement par les élus du Parlement européen, qui y voient une clause de sauvegarde du projet européenEn décembre, le choix de Londres de ne pas participer au traité avait en effet mis en sommeil la méthode « communautaire », au profit d'une logique « inter-gouvernementale » plus efficace, pour rassurer les marchés.

L'alternative est nécessaire pour sauver la construction européenne

De telles mesures sont autrement plus dangereuses pour la construction européenne que l'ensemble des erreurs précédemment accumulées (Amsterdam, Nice, TCE, Lisbonne). Il met fin à la solidarité européenne, il institutionnalise définitivement la concurrence entre États membres, il rend l'Union impuissante à répondre à la crise économique, il renforce une méthode intergouvernementale que les peuples européens ne supportent plus considérant à juste raison qu'elle les tient à l'écart des décisions engageant leur avenir (avec par ailleurs des gouvernements qui profitent pour se déclarer irresponsables).

Il faut donc impérativement revenir sur cet accord, a minima le renégocier, et surtout lui substituer une alternative.

FrancoisHollandeFrançois Hollande, en tout cas, a déjà prévenu qu'il voulait « renégocier » ce futur traité européen, dont la rigueur et la coercition sont les maîtres mots. Ou plutôt, si l'on a bien écouté son intervention sur France-2 jeudi 26 janvier au soir, qu'il souhaitait y inclure un volet sur le soutien à la croissance, sans retoucher au reste. Le candidat socialiste a aussi annoncé son intention d'engager des négociations au plus vite avec Angela Merkel s'il est élu.

Cependant inclure un volet sur le soutien à la croissance ne permet en aucun cas de revenir sur les principaux dangers de ce texte qui sont démocratiques et économiques. De même, on voit mal en quoi un nouveau Traité de l’Élysée avec l'Allemagne viendrait transformer la donne politique si la discussion se situe sur les mêmes bases.

Comme toujours au niveau européen, il n'est pas possible d'aller à la négociation en intériorisant (parfois à tort d'ailleurs) le fait que nos positions soient a prioriminoritaires. Une telle posture implique que nous préférions défendre dès le départ une position que nous considérons déjà comme un compromis, pour finir encore par reculer sur ce « compromis ».

AubryDuflotDe 2009 à 2011, le PS français – qui avait longtemps considéré ses relations au sein du PSE de la même manière – a changé de cap, sous la conduite de sa première secrétaire Martine Aubry : il a convenu que, la crise du système financier international capitaliste aidant, il pouvait défendre des positions offensive et rallier tout ou partie de ces partenaires à tout ou partie de ses positions politiques. Le PSE défend depuis une vision politique et économique opposée à l'austérité et en faveur d'un renforcement de la démocratie dans la construction européenne ; son précédent président Poul Nyrup Rassmussen et Martine Aubry ont été les principaux acteurs de cette évolution.

Le candidat François Hollande, et sans doute futur président de la République, devrait en tirer la leçon pour agir de la sorte avec ses futurs partenaires européens, y compris la Chancelière allemande – dont le modèle commence peu à peu à se fissurer, bien que Nicolas Sarkozy soit le dernier à ne pas (vouloir) le voir.

henri_weber.jpgFrançois Hollande pourrait ainsi s'inspirer de notre camarade député européen Henri Weber qui exposait avec clarté l'orientation socialiste pour la construction européenne dans une tribune publiée par Libération le 3 janvier 2012 :

« On est là au cœur de la crise : le principe de la décision à l’unanimité sur les questions qui fâchent fait de l’UE une «machine incapacitante». Dès le début, le PS (Pierre Bérégovoy en 1992) a demandé qu’il y ait un pilote dans l’avion : un gouvernement économique européen. C’était alors un mot tabou. Nul n’en conteste plus le principe, pas même Angela Merkel. Le débat porte désormais sur son périmètre, ses fonctions, son architecture institutionnelle. S’agissant du périmètre, l’amélioration de la gouvernance économique européenne doit concerner idéalement tous les États de l’Union, et pas juste ceux de l’Eurogroupe. Mais les États les plus «eurovolontaires», ceux qui veulent aller plus vite et plus loin dans le sens de l’intégration, doivent pouvoir le faire dans le cadre des «coopérations renforcées» et des accords intergouvernementaux. La progression de la construction européenne se fera de façon différenciée, par cercles concentriques. Avec l’ambition d’accueillir à terme tous les États membres dans le cercle le plus intégré.

Les fonctions du gouvernement économique, elles, se résument à trois : coordination des politiques budgétaires des États membres, mise en œuvre des politiques communes, conduite d’une politique active des changes. Quant à l’architecture institutionnelle, elle doit respecter la spécificité de la construction européenne : pour les socialistes, il s’agit d’une «fédération d’États-nations», plus qu’une simple confédération, mais moins qu’un État fédéral transnational.

Les trois piliers de l’autorité européenne doivent donc être simultanément renforcés. La Commission européenne doit être le siège de la gouvernance économique. Garante des traités, c’est elle qui examine les budgets nationaux, avant leur adoption, dans le cadre des «semestres européens» ; communique ses recommandations aux États membres, et demande des sanctions au Conseil européen. Pour assumer ce rôle, elle doit gagner en efficacité et en légitimité démocratique. Son président doit être élu par le Parlement de Strasbourg, parmi les têtes de liste des partis européens (PSE, PPE, Verts…). Ces derniers doivent aller aux élections européennes, non seulement avec un programme de législature pour l’UE, mais aussi avec un candidat à la présidence de la Commission pour incarner ce programme. Il faut revenir sur la décision funeste, emportée par Sarkozy en 2008, qui garantit un commissaire à chaque État membre de l’Union, privilégier la compétence sur la représentativité. Fort de la légitimité que lui donnera son élection au suffrage universel indirect, le président de la Commission se dotera de vice-présidents, de rang ministériel, sur le modèle de l’actuelle haute représentante aux Affaires extérieures de l’UE (Mme Ashton). En priorité, il fera du commissaire aux Affaires économiques et financières le ministre de l’Économie et des Finances de l’UE : à la fois vice-président de la Commission, président de l’Ecofin (Conseil européen des 27 ministres de l’Économie et des Finances des États membres) et président de l’Eurogroupe, participant de droit au Conseil européen.

Dans l’Europe à plusieurs vitesses dans laquelle nous sommes entrés, le Conseil des chefs d’État et de gouvernement joue un rôle irremplaçable de chambre haute, représentant les nations. Les sujets sur lesquels il décide à la majorité qualifiée doivent être étendus, la périodicité de ses réunions augmentée. Le Parlement européen devrait pour sa part pleinement intégrer le processus décisionnel de la gouvernance économique européenne, grâce à l’adoption de la procédure de codécision pour les grandes orientations de politiques économique et budgétaire. Les Parlement nationaux devraient y être associés, via leurs commissions compétentes.

Cette question de la gouvernance est devenue la clé de voûte de la crise européenne, c’est elle qui conditionne la politique de mutualisation et de monétisation des dettes souveraines. L’option intergouvernementale choisie par Sarkozy pour promouvoir en réalité un directoire franco-allemand débouche sur le «trop peu, trop tard» qui caractérise les décisions des sommets européens depuis deux ans. Elle accouche de l’Europe «austéritaire» et disciplinaire voulue par A. Merkel. La gauche européenne doit mettre à profit la crise paroxystique que traverse notre Union pour relancer la démarche communautaire. »

Hamon28mai2011.jpgSi le candidat ou futur président n'en prend pas seul la mesure, cela sera à nouveau à la gauche du PS - et peut-être à certains de ses partenaires - de lui rappeler les enjeux du débat et de la nécessité de ne pas être en dessous de ce qu'exige son engagment européen et la sauvegarde de la souveraineté populaire.

Frédéric Faravel
Secrétaire fédéral du PS Val-d'Oise aux relations extérieures

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