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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 18:45

VallsSamedi dernier, notre nouveau Premier Ministre Manuel Valls a sévèrement mis en garde les socialistes lors du conseil national du PS sur les risques auxquels étaient confrontés la gauche et le pays : « La gauche peut mourir », « Elle n'a jamais été aussi faible dans l'histoire de la Vème République »,« Notre pays peut se défaire et se donner à Marine Le Pen ». Si toute la gauche peut s'accorder sur ces constats et ces risques, les divergences avec le diagnostic de leurs causes et les remèdes à lui apporter atteignent aujourd'hui un stade critique.

J'apporterai néanmoins un petit bémol à l'opération de communication politique du Premier Ministre en direction des militants socialistes : les européennes de 2014 – extrêmement graves – ne sont pas la pire des élections pour les forces de gauche depuis 1958. Le plus mauvais score de la gauche, coupable de n'avoir rien compris à Mai-68, ce sont les présidentielles de 1969 avec 32,22 % des suffrages exprimés. Par ailleurs, d'autres élections avec un plus fort taux de participation ont confronté la gauche à ses incohérences : les législatives de 1993 avec 38,63 % et plus encore les présidentielles de 2007 avec 36,44 %, notre candidate de l'époque particulièrement soutenue par le Premier Ministre d'aujourd'hui, nous promettant « d'autres victoires ». À la suite de chacune d'entre elles, le Parti Socialiste – sans aller à chaque fois jusqu'à la refondation de 1969-1971 – avait décidé de se ressourcer en réorientant son projet à gauche.

141051477La gravité de la situation de la gauche en 2014, c'est que la gauche, et plus particulièrement le Parti Socialiste qui en est encore la principale force, vient d'essuyer deux graves défaites consécutives et sans appel. Aux municipales, l'électorat de gauche – et notamment l'électorat socialiste (celui de François Hollande au premier tour) – a ostensiblement boudé les urnes, mettant en échec de nombreuses équipes municipales socialistes et ramenant le nombre de communes de plus 9 000 habitants dirigées par la gauche (toutes sensibilités confondues) au niveau de 1971, alors même que les sondages indiquaient à peine quelques semaines auparavant la popularité maintenue des maires de gauche. Aux élections européennes, le trait s'est amplifié aboutissant au plus bas score historique du PS, les électeurs socialistes déçus qui en 2009 avaient voté Europe Écologie désertant cette fois-ci le scrutin, le Front de Gauche ne tirant aucun profit des déconvenues socialistes et écologistes. Dans le Nord et le Nord-Est de la France, des électeurs socialistes ont franchi le cap en votant directement pour l'extrême droite (Vous pourrez retrouver ici des analyses détaillées des scrutins municipaux et européens, déjà mises en ligne sur ce blog).

L'explication donnée par l'exécutif et ses principaux soutiens est non seulement insuffisante mais inexacte pour décrypter ces déroutes et justifier les choix qui ont été opérés après coup : les résultats de mars et de mai 2014 seraient la conséquence d'une accumulation de situations locales et du temps (trop long) que mettraient les réformes engagées à donner des résultats. Il conviendrait donc d'accélérer la mise en œuvre de la politique choisie.

Sur le premier argument, pas la peine d'y revenir trop longtemps : à défaut de pouvoir le mesurer dans les villes déjà dirigées par la droite, l'opinion était favorable aux municipalités de gauche et à la politique qu'elle menaient. Ce sont donc essentiellement des raisons d'ordre national qui ont justifiée la « vague blanche » dans l'électorat socialiste.

Sur le second argument, il est symptomatique de constater que l'exécutif méprise à ce point sa base sociale en considérant qu'il est incapable de patience ou de comprendre la justesse des politiques menées dont la transformation en résultats prendrait du temps. La déconnexion avec notre électorat vient bien des interrogations et des désaccords de nos électeurs avec le cap économique et social proposé. Les Français sont déçus et parfois en colère par rapport à ce qu'on avait promis lors de la présidentielle en 2012. Cette déception et cette colère nourrissent le sentiment que leurs votes et la politique ne peuvent plus peser sur leur devenir, que le pouvoir réel est ailleurs, que les citoyens sont en incapacité de choisir en conscience leur destin collectif : c'est cela qui explique l'abstention massive et le basculement d'un certain nombre d'électeurs de gauche dans le vote FN lors des dernières municipales et surtout européennes (qui ne sont pas des élections secondaires).

Des choix politiques contestables sur le fond et non partagés

Laurent-Baumel.jpgLaurent Baumel, député d'Indre-et-Loire et un des animateurs de l'appel des 100, analysait ainsi le fond de l'intervention du Premier Ministre ce 14 juin : « Le discours était bon sur la forme, comme toujours avec Valls, mais intransigeant sur le fond. C'est le retour à un rocardisme débridé, c'est-à-dire la certitude d'être le seul à comprendre le réel. » Peut-être suis-je plus sévère que ce parlementaire, mais l'analyse défendue par l'exécutif démontre qu'il est loin de comprendre le réel et la société. Dans tous les cas, convaincu de sa propre révélation, Manuel Valls exhorte les socialistes à « tenir bon, dans la durée » sur les « réformes » et « les choix économiques qui sont les nôtres ». « Avec le président de la République, nous considérons que c'est le cap qu'il faut maintenir » Le choix de la politique de l'offre, il « l'assume » et il n'a « qu'une certitude : prendre un autre chemin nous conduirait à l'échec ».

Pourtant, ce sont bien les choix engagés depuis l'automne 2012 (et pas seulement depuis janvier 2014) qui risquent de conduire la gauche à mourir. Car ces choix ne sont pas partagés par nos concitoyens, ils nous l'ont déjà dit à plusieurs reprises et le rediront sans doute encore à l'occasion des prochains scrutins régionaux et départementaux en 2015.

Et, à propos, où ont été faits ces choix ? Ont-ils été élaborés collectivement dans notre famille politique et respectent-ils nos engagements ? Ni l'un, ni l'autreni la ratification du traité Merkozy sans modification, ni le Pacte de compétitivité, ni le contenu de l'ANI, ni la réforme des retraites, ni aujourd'hui le pacte de responsabilité ne sont cohérents avec les engagements de la campagne présidentielle de François Hollande. Ils sont même en contradiction flagrante avec les textes adoptés par le Parti socialiste que ce soit ceux issus (adoptés à l'unanimité) des conventions du parti avant les primaires citoyennes de l'automne 2011 ou celui de la motion majoritaire lors du congrès de Toulouse qui avait suivi la victoire de François Hollande.

Pour Thomas Legrand, dans sa chronique matinale et "intérienne" de ce 16 juin 2014, le débat au sein du PS dépasse donc désormais la question de savoir si l'on veut gouverner dans la durée ou marquer la société de son empreinte, mais porterait sur la politique économique et la justice sociale, les "frondeurs" se référant aux 60 engagements de François Hollande. Le Gouvernement d'aujourd'hui paierait ainsi l'inconséquence des responsables socialistes lorsqu'ils étaient dans l'opposition à ne pas avoir été "réalistes". Pour Carlos Da Silva, le Président de la République ne serait désormais pas comptable des engagements de campagne mais uniquement de la situation qu'il a trouvée en arrivant au pouvoir.

On peut tout de même s'interroger sur la pertinence de la politique menée pour gouverner dans la durée le pays, ce qui n'est d'ailleurs pas incompatible avec la volonté de marquer la société. Cela se croise avec la question du réalisme supposée de la politique économique conduite : cette politique de l'offre ne peut pas donner de résultats dans une économie anémiée où les carnets de commande des entreprises resteront d'autant plus vides que l'investissement public est handicapée par une vision malthusienne de l'économie. Alors que l'austérité est en échec dans toute l'Europe, qu'elle a nourri la défaite des partis conservateurs aux européennes, et la montée des partis europhobes et eurosceptiques, c'est précisément maintenant que la gauche au pouvoir choisit de renier sa nature profonde, sa mission historique, pour mettre en œuvre une politique vouée à l'échec.

L'intériorisation de la « monarchie républicaine »

Il ne reste donc plus face à la contestation qui monte à gauche et dans les rangs du PS que des arguments d'autorité et de discipline et qu'à effrayer les militants socialistes en pointant du doigt des « frondeurs » qui seraient eux et non pas la politique menée les fossoyeurs de la République, préparant par leur révolte l'arrivée de Marine Le Pen. La ficelle est grosse. « Il faut de la fermeté, de l'autorité pour gouverner la France ». Et avec une violence verbale terrible « la reparlementarisation à outrance des institutions n'est pas tenable. » Cette dernière phrase est une rupture de plus avec le socialisme démocratique, pour celui qui déjà préfère Georges Clemenceau à Jean Jaurès ou Léon Blum.

4438205_6_fc17_emmanuel-maurel-vice-president-ps-du_dd62870.jpgEmmanuel Maurel l'a dit avec précision dans son entretien au Mondedu samedi 14 juin : « le PSa toujours eu une lecture très critiquede la Vème République, dénonçant le risque de la personnalisation du pouvoir, la marginalisation du Parlement, l'insuffisante démocratieparticipative. Contrairement à la droite, la gauche ne croit pas au culte du chef et ne considère pas que tout doit procéder d'un seul homme, fût-il exceptionnel. Ces critiques, nous les avons oubliées et François Hollande s'est lovédans les institutions commeses prédécesseurs.Le désarroi actuel vient aussi de cela.Il est urgent de se désintoxiquer de la Vème! »

On ne saurait mieux dire la part et les conséquences de ce désarroi : Ce qui est arrivé « au bout de quelque chose », ce qui est à bout de souffle, ce n'est pas le socialisme démocratique comme semble l'avoir en tête le Premier Ministre, c'est la logique même de monarchie républicaine de la Vème République et la marque délétère qu'elle appliquée sur tous les partis de gouvernement et même au-delà : comme le disait Paul Quilès « avec un Premier ministre quiexécutela politique définie par le Président, une majorité parlementaire contrainte, un parti majoritaire sans marge d’initiative et peu écouté[qui] empêche qu’aboutisse toute expression déviante. » Cette dérive toujours aggravée des institutions de la Vème converge aujourd'hui sur une situation ubuesque, où le gouvernement a certes encore (mais pour combien de temps ?) une majorité parlementaire, mais plus de majorité politique dans le pays, car il a peu à peu produit « une base d'une telle étroitesse qu'on se demande sur quel équilibre elle maintient encore ». C'est le résultat d'un exécutif qui refuse à sa majorité tout rôle conséquent et qui décide seul des orientations du pays enfermés dans des certitudes pourtant contredites par les faits.

Un dialogue social de plus en plus inconsistant

Ainsi aboutit-on à l'échec du dialogue social, qu'avait tant mis en avant le candidat Hollande. Certes les syndicats n'ont pas toujours raison mais il est plus que contre-productif de supputer qu'ils auraient constamment tord. Le conflit actuel à la SNCF marque plus qu'un désaccord sur le fond – il suffirait de « peu de choses » notamment qu'on réponde sur l'unité réel du système ferré en France, sur l'avenir du fret et sur le financement de la réforme – mais trouve sa raison dans la perte de confiance dramatique entre le gouvernement de gauche et une partie toujours plus large de son électorat, perte de confiance qui amène à la radicalisation croissante d'une partie des agents.

4368564_7_9995_une-manifestation-d-intermittents-du-spectac.jpgL'entêtement et les contradictions exprimées sur l'accord du 22 mars concernant le régime des intermittents du spectacle démontre, s'il en était encore besoin, la conception en réalité minimaliste du dialogue social qui anime l’exécutif. Son agrément au 1er juillet par le gouvernement signerait une catastrophe culturelle pour notre pays, bien au-delà des risques d'annulation ou de perturbation des festival de l'été 2014, et surtout elle contribuerait à tendre plus encore le climat social qui n'avait jamais été aussi mauvais depuis 25 ans sous un gouvernement de gauche.

Si Manuel Valls veut l'épreuve de force (notamment avec la CGT, qui avait clairement appelé à voter Hollande), cela ne peut déboucher que sur l'échec politique de la gauche et l'affaiblissement des syndicats (déjà structurellement faibles en France) ; cela aboutirait à une insatisfaction et une instabilité sociale, qui se traduira peut-être pas dans des conflits sociaux spectaculaires, tant la lassitude des salariés est grande. Mais elle nourrira à coup sûr les désillusions qui fournissent les plus gros renforts à l'abstention et au vote FN.

Manuel Valls rentrerait alors dans l'histoire sociale du pays, comme l'équivalent français de Margareth Thatcher qui avait fondé sa stratégie politique sur la défaite et l'humiliation des Trade Unions : à long terme, les Travaillistes l'ont lourdement payé à la fin de leur mandat quand ils furent confrontés à la crise financière et sociale (leur base sociale n'était plus encadrée et les conflits qui existaient s'étaient radicalisés) ; on peut aussi y voir une des causes de l'irrésistible ascension des europhobes (seule voie de contestation encore possible dans le Royaume Uni). La France vivrait tout cela en accéléré.

Et le PS dans tout cela ?

Conséquence de la logique monarchique de la Vème République, le parti majoritaire ne participe pas à la définition de la stratégie politique du quinquennat. L'un des solutions auraient été que « le PS soit plus activement associé à l'élaboration des politiques publiques et redevienne le cœur battant de toute la gauche. » Pour cela, il eut fallu qu'il prenne le risque de parier sur une nouvelle pratique du pouvoir, et ne conçoive pas son précédent congrès comme une mise en coupe réglée de ses principaux responsables dans l'attente des consignes de l'exécutif. Maintenant la Gaucheet une partie de la motion 4 ont cependant tenu le rôle que certains avaient choisi d'abandonner volontairement comme contre-pouvoir. Portant, depuis près de 2 ans, on refusait d’entendre notre inquiétude face aux conséquences du régime infligé au pays, alors même que nous préconisions d’autres réponses à la crise. Et voici qu’aujourd’hui, nombre de ceux qui s’étaient faits discrets jusqu’ici et parfois même qui défendaient la ligne suivie au sommet, joignent leur voix aux critiques et aux demandes de ceux qui étaient fustigés hier et souvent traités d’irresponsables ou d’incompétents. La logique de la Vème République veut que cette révolté d'une centaine de parlementaires ne puisse pas déboucher.

3798841_cambadelis.jpgC'est donc au Parti Socialiste que revient à nouveau le nœud du problème. Samedi 14 juin, le premier secrétaire par intérim, Jean-Christophe Cambadélis, a proposé que des États-Généraux des socialistes travaillent en décembre prochain sur « la nouvelle carte d'identité du socialisme », qu'une université permanente de la transition écologique soit organisée avec les autres forces de gauche. Toutes ces initiatives ne peuvent être positives, mais elles restent extrêmement confuses dans leur présentation et elles ne seront pas soumises au vote des militants : bref, il s'agit de leur « rendre la parole » mais surtout de trancher. Et surtout pas de trancher les débats sur la politique économique qui sont aujourd'hui la principale source de leurs inquiétudes, et celle du peuple de gauche.

Pour débloquer le pays et pour débloquer la gauche, il est urgent que le PS ouvre un vrai congrès dont le premier secrétaire par intérim était incapable samedi de donner la date alors que statutairement nous sommes tenus d'en organiser un à la moitié du quinquennat, donc en décembre 2014 ou janvier 2015. La situation n'est pas figée : la volonté de changer est présente plus que jamais dans les rangs socialistes. Y compris au sein de ses instances : les soutiens du premier ministre se sont empressés d'expliquer aux médias que celui-ci avait reçu une standing ovationsamedi (déférence à sa fonction oblige !?) et que la contestation s'était calmée au Conseil National. Pour qui connaît cette instances très codifiée où les rapports de force sont souvent figés d'un congrès à l'autre, cette remarque était vraie pour les précédents CN où ne remuait que l'habituelle « aile gauche ». Le samedi 14 juin y a vu ses thèses soutenues par au moins la moitié des représentants socialistes, tant à l’applaudimètre que dans les interventions, et ce malgré la demande de la direction du Parti d'inviter largement les simples adhérents parisiens à remplir les travées de la Maison de la Chimie.

Henri-Emmanuelli-Pierre-Laurent-Guillaume-Balas-Laurent-Bau.jpgLe prochain congrès du PS est donc ouvert, que tous ceux qui veulent voir renaître la gauche décident de nous rejoindre maintenant. C'est après que comme le disait Emmanuel Maurel, on pourra « proposer un nouveau pacte majoritaire aux écologistes et aux communistes. Mais ce pacte ne peut naître qu'après un débat sur le fond et sur la base d'une nouvelle orientation. Je suis optimiste, tout peut encore bouger, mais à condition d'écouter et de changer. Le président est paraît-il quelqu'un de pragmatique. Il a l'occasion de le prouver, en renouant avec cette belle ambition de sa campagne, celle du rêve français. »

Frédéric FARAVEL

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